Une conversation engagée pour valoriser l’histoire, le patrimoine et les mémoires de l’océan Indien
Le 15 mai 2025, en marge du Festival de Cannes, la Commission de l’océan Indien (COI) a organisé à l’African House une table ronde intitulée « L’océan Indien, carrefour des mémoires partagées ». Cette rencontre s’inscrit dans le cadre du projet régional de développement des industries culturelles et créatives (ICC), mis en œuvre par la COI avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD).
Réunissant artistes, chercheurs et professionnels de la culture, la table ronde a exploré la manière dont les récits artistiques peuvent raviver les mémoires historiques de la région – coloniales, esclavagistes, migratoires – et nourrir des imaginaires communs à l’échelle de l’Indianocéanie et au-delà.
Deux voix majeures ont nourri cette réflexion à travers leurs démarches artistiques et leurs expériences de terrain :
- Shenaz Patel (Maurice), écrivaine et journaliste, est revenue sur son travail de réhabilitation des récits oubliés de l’esclavage, notamment à travers la figure des marronnes, ces femmes esclavisées en fuite. Elle a souligné l’importance de la transmission, de la pluralité des voix et du rôle de la création pour relier les mémoires individuelles aux mémoires collectives.
- Simon Moutaïrou (France/Bénin), réalisateur du film Ni chaînes ni maîtres, a partagé son expérience de tournage à Maurice et les échos puissants que son œuvre a suscités auprès du public. Plusieurs spectateurs lui ont confié avoir découvert à travers ce récit une part de leur propre histoire, longtemps absente des narrations dominantes.
Projection d'extraits du film "Ni chaînes ni maîtres"
Premier long-métrage de Simon Moutaïrou, Ni chaînes ni maîtres est un drame historique situé à l’île Maurice en 1759. Il retrace la fuite de Massamba et de sa fille Mati, esclaves dans une plantation de canne à sucre, face à l’oppression coloniale. Tourné à Maurice en 2023, le film a bénéficié du soutien de l’Economic Development Board (EDB), à travers son Rebate Scheme.
Dans une interview accordée au Bondy Blog, le réalisateur affirme : « Le marronnage, c’est une image de résistance qu’on ne voit pas dans les livres d’histoire. [...] Le cinéma a un rôle à jouer dans l’éducation, car il permet de rendre l’histoire vivante et d’émouvoir d’une manière différente. »
Perspectives à venir
Une synthèse des échanges ainsi que des ressources complémentaires seront bientôt disponibles sur Kiltir.org et sur le site de la Commission de l’océan Indien. Restez connectés pour approfondir cette réflexion collective sur les mémoires partagées de l’océan Indien et participer à la construction d’un récit pluriel !

Astrid Audibert, modératrice de la rencontre et coordinatrice du projet ICC en Indianocéanie, a conclu :
« On ne peut plus dire que ces histoires s’adressent à une niche, qu’elles ne sont pas mainstream. Au contraire, elles touchent un public large, elles parlent au monde. Ces récits touchent, questionnent, rassemblent. Et merci aux artistes comme Shenaz et Simon de s’en emparer, de donner voix à celles et ceux que l’histoire officielle a laissés dans l’ombre. »
Il s’agit aujourd’hui de faire émerger une histoire plurielle, dans laquelle chacun peut redevenir acteur et auteur de son propre récit, et se découvrir des liens insoupçonnés avec d’autres – à travers des trajectoires, des mémoires, des résistances partagées.
Le projet ICC de la COI s’inscrit pleinement dans cette dynamique et entend soutenir les récits artistiques qui explorent les mémoires partagées de l’Indianocéanie, dans toute leur complexité, leur diversité et leur puissance de transformation.
Le Projet Régional de Développement des Industries Culturelles et Créatives (ICC) en Indianocéanie, financé par l’Agence française de développement (AFD) et mis en œuvre par la Commission de l’océan Indien (COI) au bénéfice des quatre pays de l’océan Indien (Madagascar, Maurice, Seychelles et Union des Comores) et du Mozambique, s’inscrit dans la continuité de la stratégie et de la politique culturelle de la COI (2012) et dans la stratégie de l’AFD dans le secteur des ICC.
Le projet vise également à encourager les pays membres de la COI à baser leur développement sur les richesses culturelles régionales spécifiques au sud-ouest de l’océan Indien.