Seychelles : la culture créole, levier d’un développement durable
Une identité culturelle forte, ancrée dans la créolité
Aux Seychelles, la culture créole constitue bien plus qu’un héritage : c’est un socle de cohésion et un marqueur de singularité dans l’océan Indien.
Langue, gastronomie, musique et artisanat façonnent la vie quotidienne et nourrissent un sentiment d’appartenance partagée.
Des initiatives comme Granma Savoir-faire, portées par le SNICHA, ou les recherches de l’Académie Créole contribuent à la documentation et à la transmission des savoir-faire traditionnels. Le Festival Kreol, reconnu comme l’un des plus grands festivals créoles au monde, illustre cette vitalité : chaque année, il rassemble institutions, communautés et visiteurs autour d’un patrimoine vivant qui conjugue tradition et modernité.
Un cadre stratégique prometteur mais encore inégalement structuré
Sur le plan institutionnel, la Vision 2033 et la Stratégie nationale de tourisme durable (2024–2034) marquent une évolution majeure : elles reconnaissent désormais la culture et l’artisanat comme leviers de diversification économique et de développement durable.
Cependant, l’absence d’un ministère dédié à la culture, la coexistence de mandats institutionnels parfois redondants et le manque d’un cadre juridique cohérent freinent la mise en œuvre de politiques intégrées.
Les industries culturelles et créatives (ICC) peinent encore à être reconnues comme un secteur économique à part entière, malgré le rôle structurant du SNICHA et des agences telles que le Seychelles National Arts and Crafts Council (NACC) ou la Creative Seychelles Agency (CSA).
Formation et entrepreneuriat : un potentiel à consolider
L’Université des Seychelles propose un diplôme en Cultural Tourism and Management, mais celui-ci reste encore trop centré sur le tourisme, sans intégrer pleinement les spécificités des ICC.
Les formations de l’Enterprise Seychelles Agency (ESA), bien qu’ouvertes à l’ensemble des micro-entreprises, demeurent trop généralistes pour répondre aux besoins du secteur culturel.
Résultat : de nombreux artistes et artisans peinent à accéder aux dispositifs de financement, faute d’un accompagnement ciblé et d’une offre de formation adaptée. Le développement de modules spécialisés sur l’entrepreneuriat créatif représenterait un levier concret pour la professionnalisation, en particulier des jeunes et des femmes.
Repenser la transmission du patrimoine vivant à l’ère numérique
Le patrimoine vivant fait aujourd’hui face à des défis majeurs de transmission : le nombre de praticiens diminue, les détenteurs de savoirs traditionnels vieillissent, et les structures communautaires qui assurent leur préservation demeurent fragiles.
Pour garantir sa continuité, il devient essentiel de repenser les modes de transmission en reliant davantage culture, éducation et tourisme durable, tout en mobilisant les médias, les réseaux sociaux et les œuvres numériques comme relais contemporains de la mémoire collective.
Ces espaces hybrides offrent de nouvelles perspectives pour rendre visibles les savoir-faire, impliquer la jeunesse et ancrer le patrimoine immatériel dans les pratiques culturelles de demain, à la croisée de la tradition et de l’innovation.
Des dynamiques régionales et académiques porteuses
Les Seychelles s’inscrivent aujourd’hui dans une dynamique régionale prometteuse, où les partenariats culturels et scientifiques se renforcent.
Le projet de développement des Industries culturelles et créatives (ICC), mis en œuvre par la Commission de l’océan Indien (COI) avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) ou encore l’UNESCO, soutient la structuration du secteur, la professionnalisation des acteurs et la valorisation du patrimoine vivant à l’échelle régionale.
Parallèlement, l’Université des Seychelles participe activement à des programmes de recherche régionaux, comme le projet Origins (avec Maurice, le Mozambique et le Kenya), ainsi qu’aux travaux sur la langue et la culture créoles, ce qui ouvre de nouvelles perspectives en matière de recherche appliquée, de coopération scientifique et culturelle et de valorisation des patrimoines partagés de l’océan Indien.
Entre atouts et défis : vers un modèle seychellois des ICC
L’économie culturelle seychelloise se trouve à un tournant. Elle s’appuie sur une identité forte, un artisanat en voie de reconnaissance, soutenu par des initiatives comme le label Made in Seychelles et l’Association of Seychelles Craftsmen and Women, qui fédère progressivement les créateurs locaux. Pour transformer ces avancées en leviers durables, il sera essentiel de renforcer la coordination institutionnelle, de soutenir la formation spécialisée et de favoriser l’émergence d’un véritable tissu entrepreneurial dans les ICC, capable de générer emplois, revenus et valeur ajoutée à partir du patrimoine et de la créativité locale.
Les Seychelles ont le potentiel de devenir un modèle insulaire d’économie créative fondé sur la vitalité de la culture créole, portée notamment par la reconnaissance internationale du moutya inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. À condition toutefois de ne pas réduire ces expressions à de simples produits touristiques, mais de placer au cœur du développement les besoins, les aspirations et les savoirs des communautés qui les incarnent.